DIPLOMACY

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Son Excellence Omar Hilale à l’Assemblée générale de l’ONU © UN PHOTO/LOEY FELIPE

La diplomatie: plus qu’un métier, un sacerdoce
Aussi passionné que passionnant, Son Excellence nous livre ses réflexions sur les enjeux actuels du multilatéralisme
1 Jun 2023

Son Excellence Omar Hilale, Représentant permanent du Royaume du Maroc près l’Organisation des Nations Unies à New York, nous parle à cœur ouvert de sa carrière de diplomate de haut vol.

Excellence, pourriez-vous nous dire brièvement quel a été votre parcours jusqu’à votre nomination au poste de Représentant permanent du Maroc auprès de l’Organisation des Nations Unies à New York?

C’est en 1974 que j’ai intégré le Ministère des affaires étrangères. J’ai occupé divers postes au sein de nos ambassades à Alger, Addis-Abeba, Monrovia, Genève, ainsi qu’en Indonésie. En 2001, j’ai été nommé Représentant permanent auprès de l’ONU et de ses organes subsidiaires, agences spécialisées et autres organisations internationales basées à Genève. Entre 2005 et 2008 j’ai exercé les fonctions de Secrétaire général du Ministère des Affaires Etrangères à Rabat avant de revenir à Genève en tant qu’Ambassadeur. En avril 2014 j’ai été nommé Représentant permanent du Royaume du Maroc à New York. Je dois dire que la diplomatie multilatérale a toujours été mon domaine de prédilection et c’est un réel enrichissement personnel et professionnel que d’avoir pu officier tant à Genève qu’à New York aujourd’hui, d’avoir eu la chance de couvrir toutes les institutions spécialisées de l’ONU basées à Genève avant de rejoindre le cœur battant du multilatéralisme : le siège de l’ONU à New York.

A vous entendre, j’ai le sentiment que l’on peut parler de sacerdoce, d’une réelle vocation plus que d’un métier. Qu’est-ce qui vous a poussé à entrer en diplomatie ?

Aussi loin que je m’en souvienne, j’ai toujours été passionné par la marche du monde, l’histoire, les relations entre les peuples et les pays. C’est donc tout naturellement que je me suis orienté vers des études de sciences politiques. La diplomatie multilatérale et les valeurs qu’elle porte (dialogue entre États plutôt que confrontation, défense des droits humains, action commune au service de l’humanité, du développement, de la planète) sont mon moteur depuis l’adolescence. J’ai de tout temps perçu le multilatéralisme, avec l’ONU en son cœur, comme le cadre d’action le plus approprié pour relever les défis mondiaux multiformes.

Essaouira, ville du Maroc inscrite au Patrimoine mondial de l’UNESCO © V Coutarel

Pourriez-vous nous dire quel est le moment dans votre carrière qui vous a le plus marqué ?

Je dirais tout d’abord ma rencontre avec Nelson Mandela le 7 juin 1990 à Genève. Ce symbole de la résistance et de la lutte pour l’égalité raciale m’a laissé un souvenir indélébile. Il venait d’être libéré après avoir passé 27 années en prison et, en dépit de tout ce qu’il avait subi, il émanait de lui une force, une paix, un altruisme qui restent, à ce jour, une source d’inspiration. Et puis mon retour à Genève en tant qu’ambassadeur en 2001 puis en 2008. Ce fut un tournant dans ma vie. En fait, on ne quitte jamais vraiment Genève, on y reste attaché comme à son premier amour.

Pourriez-vous décliner pour nous les grands axes de la diplomatie marocaine au sein de l’Organisation des Nations Unies ?

Avant toute chose, je tiens à dire que le Maroc est profondément attaché au multilatéralisme. Cela n’aura échappé à personne, le monde est actuellement en proie à de multiples crises : changements climatiques, droits humains foulés aux pieds, crises alimentaire, énergétique et économique, migrations, terrorisme, prolifération nucléaire, remise en question du système multilatéral fondé sur des règles, impact de la pandémie COVID-19 qui continue de peser lourdement sur le relèvement des économies, en particulier dans les pays en développement, et j’en passe. C’est donc sur tous ces fronts que nous nous battons jour après jour pour les droits humains, l’égalité femme-homme, l’accès à l’éducation, le développement durable, l’action climatique, la transition énergétique, la sécurité alimentaire, partout dans le monde mais surtout en Afrique. Il s’agit de priorités que j’ai personnellement tenu à défendre, corps et âme, durant mes mandats en tant que Président de la 1ère Commission de l’Assemblée Générale de l’ONU chargée des questions de désarmement et de sécurité internationale, en 2021, et Président de la 3ème Commission chargée des droits humains et de l’humanitaire, en 2015. Nous sommes aussi très attachés au maintien de la paix, un domaine d’action prioritaire dans lequel le Maroc est activement engagé depuis 1960, avec pour objectif de promouvoir les principes de la sécurité et de la paix internationales. Notre pays contribue avec plus de 1700 casques bleus, déployés dans 5 opérations de maintien de la paix onusiennes, et compte parmi les plus grands pays contributeurs de troupes et de police. Fort de ces valeurs d’ouverture sur le monde, d’accueil, de son attachement à la tolérance et de son engagement en faveur du développement humain, le Royaume du Maroc se veut un artisan de paix et de développement aux quatre coins de la planète. A titre personnel, en tant que père et grand-père, je dois dire que la cause des enfants me tient aussi particulièrement à cœur, raison pour laquelle c’est avec grand plaisir que j’ai occupé le poste de Président du Conseil exécutif de l’UNICEF en 2019, et Vice-Président du même Conseil à deux reprises, en 2020 et 2021.

En tant que représant d’un pays multilingue, en quoi le multilinguisme est-il important à vos yeux?

A mon sens le multilinguisme est fondamental, a fortiori au sein d’une Organisation telle que l’ONU. Il est un outil essentiel d’une communication respectueuse et harmonieuse entre les peuples, un élément crucial de la diplomatie multilatérale. Même si bien souvent les diplomates sont en mesure de s’exprimer dans plusieurs langues, je suis convaincu que l’on ne s’exprime jamais aussi bien que dans sa langue maternelle. D’où le rôle primordial des services linguistiques (interprètes, traducteurs, etc.). Ils sont l’huile dans les rouages de l’ONU, ceux et celles sans qui l’on serait un peu comme des peintres contraint.e.s de s’exprimer au travers des seules couleurs primaires, privé.e.s de toute la palette des nuances qui permettent de transmettre un message aussi précis qu’édifiant. 

* Valerie Coutarel is Chief of the French Section Interpretation Service at the UN in New York.
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