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Stefan Szczesny © Eric Helque

Stefan Szczesny, le peintre qui voulait plus d’ONU
Quand l’art se met au service des Objectifs de Développement Durable
1 Sep 2023

Le peintre allemand Stefan Szczesny est convaincu que l’ONU est plus indispensable que jamais et voudrait l’inspirer à faire encore davantage avec son art.

Alors que l’on accuse souvent l’ONU d’être impuissante face aux crises et inadaptée au nouveau monde en train d’émerger, Stefan Szczesny n’hésite pas à proclamer haut et fort son attachement à l’organisation. Le détail inhabituel? Stefan Szczesny n’est ni un homme politique, ni un diplomate, ni un responsable d’ONG, c’est… un peintre, et un sculpteur.

“Je considère que l’ONU est la seule possibilité pour l’avenir, pour que nous, les êtres humains, puissions survivre sans guerre”, explique-t-il en souriant dans sa barbe blanche.

Pourtant, à première vue, Szczesny n’a pas un parcours clairement politique. Né en en 1951 à Munich, il est très tôt attiré par la peinture et entame une carrière artistique dans les années 1970. D’abord inspiré par l’expressionisme abstrait américain, il se convertit progressivement à l’art figuratif lors d’un séjour d’études aux Beaux-Arts à Paris, particulièrement après avoir contemplé les toiles d’Eugène Delacroix au Louvres.

C’est au début des années 1980 qu’il se fait vraiment connaitre avec les Nouveaux Fauves (Neue Wilde), un mouvement de jeunes peintres figuratifs. Il part ensuite s’installer à New York, avant de se baser à partir de 2001 en France, à Saint-Tropez, où il a créé une fondation.

Rien de particulièrement politique, donc, sauf qu’il est le fils d’un philosophe, Gerhard Szczesny, et d’une dramaturge, Martha Meuffels, et que les débats sur la liberté et l’avenir du monde vont bon train à la maison. Ce dont il est manifestement resté quelque chose.

En fait, explique Stefan Szczesny, “je me considère comme quelqu’un de très politique, comme un démocrate passionné et comme un humaniste.” Ce qui n’a rien de contradictoire avec le fait d’être un artiste, au contraire, car “toute forme d’art est un moyen très humain d’interroger son propre être”.

Et c’est justement cette interrogation qui le ramène vers l’ONU et ce qu’elle doit pouvoir faire: “je crois au rôle de l’ONU.” Même dans la situation actuelle? “Surtout dans la situation actuelle, avec l’Ukraine et toutes les autres crises, c’est là que l’on voit toute l’importance de l’ONU si elle avait plus de pouvoir.”

Les voiles peintes à la main de Stefan Szczesny représentent les Objectifs de Développement Durable des Nations Unies © SAILINGART4GLOBALGOALS

Car Szczesny ne pense pas seulement que l’ONU a tout son rôle à jouer, il est convaincu que le monde a besoin de plus d’ONU. “Je voudrais que l’ONU soit beaucoup plus importante. C’est même mon souhait le plus cher, elle doit devenir plus influente. Les gens doivent comprendre que c’est nécessaire. Et je pense aussi que l’ONU elle-même a besoin d’une sorte de coup de fouet, pour qu’elle soit plus consciente de ce qu’elle peut faire dans le monde.”

Ce coup de fouet, Szczesny veut contribuer à le lui donner en travaillant depuis quelques années, en tant qu’artiste, sur l’un des thèmes phare de l’ONU : les 17 Objectifs de Développement Durable (ODD) visant à éradiquer la pauvreté, assurer la prospérité pour tous et protéger la planète, que l’organisation est censée réaliser d’ici à 2030.

A cette fin, il a peint 17 voiles de voilier, dont chacune représente l’un des ODD. Un projet qui correspond à une double démarche.

D’abord artistique : “Dans mon travail, j’ai toujours utilisé différentes surfaces de projection. Par exemple, j’ai peint un dirigeable.” Peindre des voiles représente donc une extension naturelle pour cet artiste qui se revendique notamment de Christo – l’artiste bulgare qui a entre autres emballé le Pont Neuf à Paris et le Reichstag à Berlin – et qui a toujours été attiré par les supports inhabituels. “Je suis un artiste qui ne se limite jamais à la toile. Je pense qu’on peut arriver à ouvrir les yeux des gens justement quand on s’écarte des sentiers habituels.”

Mais le choix de la voile pour figurer les ODD est aussi un message en soi. “La voile symbolise tout ce qui est important aujourd’hui. La puissance du vent, l’énergie éolienne qui crée le mouvement, ça représente tout ce qui nous intéresse, pour ce qui est de la survie de l’humanité”.

Szczesny a déjà exposé ses voiles dans le hall de l’UNESCO, à Paris, en 2022. Et en juin dernier, ces mêmes voiles ont orné des voiliers participant à une régate sur le lac Léman à Genève, ville onusienne s’il en est. Mais il veut aller beaucoup plus loin : il voudrait que des voiliers hissant ses voiles aillent jusqu’à New York.

L’artiste a en effet une vision de sa régate des ODD croisant sur l’East River, au large du siège de l’ONU à Manhattan, avant que ses voiles ne soient exposées à l’intérieur de l’ONU elle-même. Et ce n’est pas qu’une vision, explique Szczesny : “nous avons des contacts par le biais d’une fondation américaine, la Project HOPE. Et nous sommes en train de monter le financement grâce à des sponsors”. Si tout va bien, ajoute-t-il, le projet pourrait aboutir l’année prochaine.

Ce qui aurait également pour Szczesny l’avantage de “boucler la boucle”, comme il dit, et de lui permettre enfin… d’entrer à l’intérieur de l’ONU. Car aussi incroyable que cela puisse paraître, ce fervent partisan des Nations Unies… n’y est encore jamais allé! “Non, confirme-t-il, Je ne suis encore jamais entré à l’ONU, ni à New York, ni à Genève. Mais je serais ravi d’apporter mon projet à l’intérieur du bâtiment, pour ainsi dire.” 

* Eric Helque est interprète de cabine française à l’ONU, New York.
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