UN MEMORIES

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Une échappée belle dans la ville éternelle
Les parcours professionnels sont parfois émaillés de moments de grâce. Pour Maria-Sabina Yétérian Parisi de la CNUCED, ce fut une mission en Italie
1 Apr 2023

J’ étais tranquille chez moi. Le téléphone sonne. Demain matin, vous partez en Italie en voyage officiel avec le Secrétaire Général.. Cet appel émanant du chef de cabinet me surprend d’autant plus qu’étant, à cette époque, en charge des relations avec les organisations non gouvernementales, je n’ai pas de contact direct avec la direction.

Je réalise que c’est ma nationalité plutôt que mes attributions qui me vaut cet honneur. Je suis née à Rome, d’un père italien et d’une mère suisse. J’ai passé ma jeunesse dans cette ville à laquelle je reste très attachée bien qu’ayant passé la plus grande partie de ma vie d’adulte à Genève où j’habite encore aujourd’hui.

Cette mission, qui vise à renforcer la coopération entre l’Italie et la CNUCED, me réjouit. Je suis fière d’accompagner le Secrétaire général, Rubens Ricupero, dans mon pays. C’est une belle occasion de découvrir un peu qui est cet homme dont les discours et l’engagement envers l’instauration d’une économie mondiale plus équitable m’enchantent. Diplomate, ambassadeur, ministre brésilien de l’environnement et des affaires amazoniennes, ministre des finances, polyglotte, il est à la tête de la CNUCED depuis 1995.

Dans l’avion, c’est avec beaucoup de simplicité et de naturel qu’il me parle du rapport particulier qu’il entretient avec la patrie de Botticelli. D’une part, sa famille est originaire des Pouilles, une région du Sud de l’Italie; d’autre part, il a vécu à Rome en tant qu’ambassadeur du Brésil. Je comprends mieux pourquoi il parle l’italien à la perfection.

A peine arrivés, nous sommes pris en charge par des membres de l’ambassade brésilienne. Nous traversons Rome en voiture officielle. Deux policiers en moto ouvrent le passage. Je ne m’attendais pas à retourner dans ma ville dans de telles conditions. C’est grisant.

Au cours des trois jours que dure la visite, nous rencontrons de nombreux interlocuteurs parmi lesquels des députés et des sénateurs. Nous nous entretenons aussi avec le ministre de l’économie, notamment à propos des Petites et Moyennes Entreprises (PME) qui constituent la trame de l’économie italienne. La CNUCED ayant développé plusieurs programmes de développement des PME, en Amérique latine dans un premier temps, une augmentation des ressources financières fournies par l’Italie serait bienvenue.

Point d’orgue de la visite, la rencontre avec le Premier ministre, Romano Prodi. A mon grand étonnement, le Secrétaire général ne mentionne pas la CNUCED. Il se lance dans un fervent plaidoyer en faveur du dialogue entre les civilisations. Pointant l’écart croissant entre l’occident et le monde musulman, il prévient que si on ne fait rien cela pourrait avoir de terribles conséquences. Et d’ajouter que compte tenu des puissants atouts dont bénéficie l’Italie de par la richesse de son histoire et de sa culture, ce pays pourrait assumer le leadership dans l’instauration d’un véritable dialogue. Impressionnée par son enthousiasme et son effervescence intellectuelle, je suis aussi très touchée qu’il considère que mon pays pourrait jouer un rôle « d’unification du monde ». Oui. Je sais c’était un peu idéaliste. Trois ans plus tard, l’Assemblée générale de l’ONU décrète que 2001 sera l’Année du Dialogue entre les civilisations. C’est d’autant plus salutaire que suite aux attaques terroristes du 11 septembre, l’heure est à la montée des violences.

Puis, il y a eu ce moment si inattendu où le Secrétaire général m’a demandé de le rejoindre à l’ambassade du Brésil logée dans le magnifique Palazzo Pamphilj sur la Piazza Navona. Lors de nos discussions, je lui avais confié ma passion pour l’histoire de l’art.Il m’emmène dans une galerie du palais qui abrite des œuvres de Pietro da Cortona, un peintre baroque du 17ème siècle. D’ordinaire fermée au public, il a veillé à ce qu’elle soit ouverte pour moi. Quelle délicatesse ! Quel honneur. Nous sommes restés un long moment, tous les deux, en silence, en compagnie de ces merveilleuses peintures. Magique !

Il y a bien sûr eu d’autres beau moments au cours des 32 années que j’ai passé à la CNUCED où j’ai occupé divers postes et assumé toujours plus de responsabilités. J’ai travaillé dans le secteur des matières premières, dans le service des relations extérieures, celui de la coopération technique et au bureau de représentation de la CNUCED au siège de l’ONU à New York. A travers ces différentes fonctions, je suis toujours restée en phase avec mon système de valeur. De savoir qu’à mon échelle, je contribuais à aider les pays vulnérables à améliorer leur situation au sein de l’économie mondiale était une source de grande satisfaction.

Tout en ayant beaucoup aimé ce travail, je suis passée à autre chose depuis que j’ai quitté l’institution il y a près de dix ans. Mes voyages, mes échanges avec des amis, mes études à la faculté de théologie de l’université de Genève, ma participation à différents groupes de lecture, dont celui sur la littérature russe, sont très enrichissants. Outre de prendre beaucoup de plaisir en aidant chaque semaine des enfants en difficulté à faire leurs devoirs, ce qui me comble de joie, c’est de m’occuper de mes petits enfants. 

* Muriel Scibilia-Fabre est auteure et ancienne fonctionnaire de la Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement (CNUCED).
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