Troisième livre de Patrick Lachaussée, Consul général de France à Genève, « Bourama. L’arbre et le sage » est un récit palpitant qui vous entraîne à travers le monde, dans des univers aussi divers, que celui d’un petit village malien, les coulisses de la cellule de crise du Ministère français des affaires étrangères, ou, entre autres, le bureau du Secrétaire général des Nations Unies, à New York.

Déjà considéré par les férus du genre policier comme un « must », l’histoire, digne du scénario d’un James Bond, est ponctuée de leçons de vie universelles, empreintes de sagesse africaine. La profondeur qui se dégage du texte est certainement due au fait qu’il représente bien plus que le résultat de neuf années de travail aux yeux de l’auteur, car tout a commencé par un lourd secret lié aux origines de son père…

Au début des années 2000, alors qu’il avait déjà effectué une partie de sa brillante carrière de diplomate, Patrick, ressent le besoin d’effectuer une pause. Il décide de partir à la recherche de son arrière-grand-père paternel dont l’existence a été occultée durant plusieurs générations au sein de sa famille. Malien, membre des « tirailleurs sénégalais » emmenés d’Afrique occidentale française pour combattre durant la Première Guerre mondiale (1914-1918), il est blessé lors d’une des batailles sanglantes au Chemin des Dames (entre Soissons et Rheims) et est soigné par une infirmière française. Le couple tombe amoureux et une petite fille nait de cette passion.

Avec pour seule piste un nom : Bourama Sanougo, l’auteur se rend au Mali. Là-bas, il est orienté vers un petit village situé au sud de Ségou, où il s’installe durant 9 mois. Au cours de cette période, il gagne la confiance des villageois, travaille à la forge, au champ, et, avec l’accord de la communauté, met en place un maraîchage pour varier le quotidien alimentaire de la population locale. Par la force des choses, Patrick s’investit encore plus profondément dans cette contrée et crée une ONG. Toujours avec le soutien des anciens et l’appui des femmes, des maraichages voient le jour. Durant 10 ans le picard se rend régulièrement au Mali. Les voyages sont interrompus par l’apparition de mouvements djihadistes et la propagation de violence dans le pays.

En connaissant le contexte dans lequel les premières lignes ont vu le jour, on identifie la source de la force de l’écriture et la raison pour laquelle le personnage central, Bourama, constitue la trame de l’histoire. On apprécie également, d’autant plus, les descriptions des traditions, la précision des informations sur la société malienne et, l’importance réglementée des communautés qui la composent dont celle des forgerons, investie d’une puissance tant pratique que spirituelle, d’où est issu l’ancêtre de l’auteur.

Patrick Lachaussée reconnait avoir effectué un énorme travail de recherches. C’est grâce au concours d’ethnologues, d’anthropologues, d’archéologues, de spécialistes de l’Afrique qu’il a approfondi les éléments récoltés sur le terrain. Il souhaitait pouvoir vulgariser et partager toutes ses connaissances sans trahir l’essence de ce qu’elles représentent réellement.

Au fil des pages, on est tenu en haleine et immergé dans différents environnements décrits avec une minutie telle, que le lecteur s’y voit. Paris, New York, Miami, Port-au-Prince, Bamako, Genève…on retrouve les caractéristiques des villes, leurs odeurs, leur lumière, le tempo de ces lieux. L’Elysée, le siège de l’ONU, le monde des hackers… des endroits où Patrick Lachaussée s’est rendu ou qu’il a fréquentés de près. L’aventure déclenche des montées d’adrénaline ponctuées par les pensées philosophiques de Bourama, et les messages de l’autre personnage central du roman, le baobab. (L’arbre qui paraît sur la couverture du livre est millénaire. Il est situé à Koulikoro, Mali).

Lorsqu’on parcourt sa biographie, on découvre qu’il a débuté sa carrière dans l’informatique, a dirigé durant près de 10 ans la cellule de crise du Quai d’Orsay, qu’il a occupé des fonctions aux Etats-Unis, qu’il a également mené de nombreuses missions humanitaires en Afrique et qu’il est musicien (auteur-compositeur).

Selon Patrick Lachaussée, il est important que la sagesse d’un Bourama puisse éclairer le monde. Il faut toujours savoir écouter, dialoguer, rester ouvert à ce que les autres ont à proposer car on ne sait pas tout.

En filigrane des 450 pages de l’enquête palpitante, se pose la question de ce que l’auteur qualifie de « funambulisme de la vie », l’équilibre entre le bien et le mal. Pourquoi certains, malgré les épreuves conservent la bienveillance et sont capables de pardon tandis que d’autres, par choix ou par destin, optent pour la haine, la violence. Le livre est publié chez « Plaisir de lire », maison d’édition associative, basée à Lausanne, qui fête cette année son 100ème anniversaire (plaisirdelire.ch)

Mercredi 7 juin, à 19h, une conférence autour du livre, en présence de l’auteur, aura lieu à la Fondation Bodmer. Participation sur inscription (fondationbodmer.ch) 


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