Onzième Haut-Commissaire en charge des réfugiés, Filippo Grandi a eu la lourde tâche de succéder à l’actuel Secrétaire général des Nations Unies, Antonio Guterres.
Depuis le début de son mandat le diplomate italien doit non seulement gérer des situations relatives à des conflits qui s’éternisent mais depuis peu, il doit intégrer une difficulté supplémentaire dans la gestion des personnes que protège son agence, à savoir la pandémie du COVID-19.
Au premier abord, on est frappé par la retenue et la grande capacité d’écoute de la personne. Ces qualités, héritage d’une éducation traditionnelle du Nord de l’Italie, où culture libérale et chrétienté se côtoient, permettent au chef du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (HCR) de tout de suite mettre ses interlocuteurs à l’aise. Issu d’une famille milanaise, sans difficultés particulières, ses parents rappelaient souvent à leurs enfants qu’ils étaient privilégiés par rapport à la majorité des gens. Ce sont certainement ces paroles qui ont conduit le jeune homme à opter pour une carrière placée au service des autres.
Près de 71 millions de personnes à travers le monde sont déracinées ; ce record historique s’explique en partie par des situations qui s’éternisent
Malgré la pandémie du coronavirus et le confinement décrété dans de nombreux pays, les guerres ne se sont pas arrêtées et des personnes continuent de fuir. Filippo Grandi souligne que « près de 71 millions d’enfants, de femmes et d’hommes sont déracinés par les guerres et la persécution. C’est un record car les situations s’éternisent.» A ses yeux, la crise liée au COVID-19 est grave mais, il est beaucoup plus préoccupé par « la difficulté croissante du passage des frontières qui va certainement augmenter le nombre de déplacés internes. »
L’attitude de rejet envers les réfugiés et les migrants est non seulement immorale, elle est contre-productive.
Fermetures des frontières
La mobilisation mondiale pour lutter contre le COVID-19 a entraîné la prise de mesures exceptionnelles. Le HCR estime que 167 pays ont déjà fermé totalement ou partiellement leurs frontières pour endiguer la propagation du virus. Au moins 57 États ne font aucune exception, même pour les requérants d’asile. Grandi se dit « de plus en plus préoccupé par les mesures adoptées par certains pays qui pourraient bloquer le droit de déposer une demande d’asile. » Il rappelle aussi qu’il est « essentiel que tous les migrants et réfugiés, puissent avoir accès aux services de santé. »
Le Haut-Commissaire a demandé aux Etats européens de veiller à la protection des réfugiés en adoptant des mesures de dépistage et de quarantaine. Celles-ci conserveraient non seulement les routes de l’asile ouvertes mais, elles permettraient de respecter les normes internationales en matière de droits de l’homme et de protection des réfugiés, y compris le principe de non-refoulement. Pour Filippo Grandi, « plus que jamais, il faut faire preuve de solidarité et de compassion. »
Les droits et la santé des réfugiés, des migrants et des apatrides doivent être protégés dans le cadre des efforts de lutte contre le Covid-19
Accès aux soins
La plupart des réfugiés, déplacés internes, apatrides et migrants soit 25,9 millions de personnes, vivent dans des pays en développement en Amérique, en Afrique, au Moyen-Orient et en Asie où les systèmes de santé sont souvent insuffisants et déjà surchargés. Beaucoup vivent dans des camps, des sites d’installation, des abris de fortune ou des centres d’accueil surpeuplés, où ils n’ont pas accès à l’eau potable et à un système d’assainissement adéquat. Filippo Grandi considère que « l’inclusion de ces populations dans les réponses nationales à la pandémie de Covid-19 est cruciale. Elle contribue non seulement à protéger les droits des réfugiés et des migrants, mais aussi la santé publique et à endiguer la propagation mondiale du virus. » A ce jour (30 mars 2020), 96 pays d’accueil font état d’une transmission locale du virus. Le HCR a lancé des campagnes d’information un peu partout dans le monde. Des efforts massifs sont également en cours pour distribuer du matériel d’hygiène de base dans des pays tel que le Liban, accueillant environ un million de réfugiés syriens, le Kenya, l’Ouganda et la Tanzanie, qui abritent des réfugiés ayant fui des conflits en Afrique.
Financement
Dans le cadre du plan global des Nations Unies pour l’aide humanitaire, d’un montant de 2,01 milliards de dollars, le HCR recherche 255 millions de dollars. Cette somme servira pour son action urgente visant, durant les neuf prochains mois, à réduire le risque et à atténuer l’impact de la propagation du Covid-19 au sein des communautés vulnérables. Le Haut-Commissaire, Filippo Grandi, s’inquiète pour l’avenir si, à long terme, le problème socio-économique devient encore pire que celui lié à la pandémie. Un tel contexte freinerait certainement la générosité des donateurs.