A l’ère du numérique et des services de streaming en ligne, comme Spotify, les jeunes écoutent-ils encore la radio ? La multiplication des « Fake News » a-t-elle des incidences sur votre travail ?

Il faut être clair, les jeunes écoutent moins la radio que leurs parents ou grands-parents. Les habitudes d’écoute ont beaucoup évolué avec le numérique. Longtemps, la radio a joué un rôle de prescription en matière de musique. C’est le cas notamment de Couleur 3, notre chaîne « jeune » qui fêtera ses 40 ans en 2022. Mais cette chaîne n’est pas seulement musicale. Elle s’est imposée aussi comme une chaîne d’humour tout à fait originale dans le paysage suisse romand. Couleur 3 est une chaîne de radio qui se développe aussi sur les réseaux sociaux avec la radio visuelle. A ce titre, elle est populaire auprès du jeune public. Par ailleurs, pour occuper le terrain face aux plateformes de streaming mondialisées et défendre la production suisse, nous développons toute une ligne de podcasts et nous nous apprêtons à lancer une nouvelle offre musicale pour les jeunes à l’enseigne de Tataki, la marque de la RTS qui connaît un très grand succès auprès de ce public. Exclusivement numérique, elle produit tous les jours des vidéos dans les domaines du divertissement, de la culture urbaine et des enjeux sociétaux. Il est intéressant de voir que la radio, qui a été créée à Lausanne il y a exactement 100 ans, a un avenir devant elle, en se déployant sur de multiples antennes et plateformes.

En ce qui concerne les incidences des « Fake News » sur notre travail, nous veillons à ce que la RTS reste une référence, une source sûre d’informations crédibles, vérifiées et pertinentes, ce que le public perçoit assurément. C’est ce que nous observons lorsque l’actualité est forte, par exemple lors de la première vague Covid en 2020 ou depuis la fin de l’année 2021 avec la « 5e vague ». Les études menées par la Société suisse de radiodiffusion et télévision (SSR) ou par des instituts externes comme le Reuters Institute d’Oxford concordent : le public nous accorde un taux élevé de confiance et de légitimité (entre 75 et 80% selon les études). Et cela est valable dans toutes les classes d’âge. Cette relation de confiance est un bien précieux que nous cherchons à renforcer tous les jours par notre professionnalisme, par un dialogue ouvert avec le public ou encore en reconnaissant nos erreurs et en les corrigeant. C’est plus que jamais nécessaire pour le bien de la démocratie suisse et du débat public.

Dans les studios de la RTS.

Avec la proximité de la France, les radios privées ou/et locales, votre radio opère dans un univers très compétitif, quelle stratégie pour préserver et élargir votre bassin d’auditeurs ?

Le marché de la radio en Suisse romande se répartit grosso modo en quatre parts : la moitié pour la RTS, 30% pour les radios régionales romandes, 10% pour les autres chaînes SSR et 10% pour les chaînes étrangères. Les quatre chaînes de la RTS ont chacune leur identité, ce qui permet de répondre aux attentes de tous les publics. La Première est la chaîne généraliste, qui rassemble le plus large public, et elle est la chaîne de tous les domaines, en particulier de l’information politique, économique, culturelle, scientifique et sportive. Espace2 se consacre à la musique classique, au jazz, aux musiques du monde et à la culture. Couleur3 est la chaîne de la jeunesse et de l’humour. Option musique est axée sur le répertoire francophone. S’agissant des chaînes françaises, elles sont davantage écoutées à Genève et sur l’arc lémanique que dans le reste de la Suisse romande. Elles ne représentent pas à proprement une concurrence et elles ne bénéficient pas, comme nous, de l’atout de la proximité et de la « suissitude », mais elles sont complémentaires et certaines émissions des chaînes publiques françaises sont de bons modèles pour nous et parfois un aiguillon pour stimuler notre créativité. Par ailleurs, Option musique, qui diffuse les artistes suisses, résiste parfaitement bien aux chaînes commerciales françaises avec ses plus ou moins 10% de parts de marché.

Comment travaillez-vous avec les organisations internationales installées à Genève, dont l’ONU, et qui constituent un vivier de sujets et d’interlocuteurs ?

Notre plateforme Genève Vision (genevevision.ch) traite de l’actualité internationale avec le regard et les compétences de Genève et de la Suisse, concrètement en faisant appel aux compétences présentes au sein de la Genève internationale, de l’Université et des hautes écoles de Genève. Nous sommes en outre en train de développer, à partir de nos archives ou de celles des institutions internationales et avec le public lui-même, une dimension historique et patrimoniale qui valorisera pleinement Genève en tant que « ville monde ». Un magnifique projet porté par la Fondation pour la sauvegarde et la valorisation des archives de la RTS (fonsart.ch) et soutenu par des mécènes genevois.


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