Passionné, M. Yao Ydo sait captiver son auditoire lorsqu’il parle de l’importance d’une éducation adaptée au contexte local. Fort de plus de deux décennies d’expérience au sein de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), et riche d’une histoire personnelle inspirante, ce Burkinabé né en Côte d’Ivoire connaît la difficulté d’accéder à l’école.
Vous aimez souligner que votre droit à l’éducation a été défendu par votre maman. Pourriez-vous nous en dire plus ?
Mon père a quitté le Burkina à l’âge de 13 ans pour aller travailler en Côte d’Ivoire. Il était ouvrier agricole et voulait m’envoyer à l’école coranique. Ma mère, vendeuse de légumes, souhaitait que je suive une éducation classique. Opposé à cette idée, mon père a refusé de payer ma scolarité. Ma mère a dû économiser pour payer mes frais d’inscription et mon uniforme. Cela représentait un sacrifice important pour elle. Lorsque je suis arrivé en secondaire, mon père a commencé à contribuer.
Comment êtes-vous passé de l’Université de Ouagadougou à celle de Grenoble ?
A l’époque, il existait une convention entre le Burkina-Faso et la France. Elle permettait à tout étudiant qui terminait sa maîtrise sans avoir passé d’examens à la session de septembre d’obtenir une bourse pour un 3ème cycle dans un établissement français. C’est ainsi que je suis arrivé à Grenoble. Pendant que j’effectuais mon Doctorat en linguistique et didactique des langues, je me suis inscrit au Centre d’études diplomatiques et stratégiques de Paris pour obtenir un diplôme de 3ème cycle en diplomatie et études stratégiques.
Cela fait maintenant 24 ans que vous servez la même institution. Quel a été votre parcours ?
Ma carrière a débuté en 1997 au siège de l’UNESCO, à la Division de l’éducation de base et de l’alphabétisation où j’étais expert-associé. Par la suite, j’ai travaillé en tant que spécialiste en programmes d’éducation dans différents bureaux d’Afrique (Mali, Cameroun, République Démocratique du Congo et Sénégal). Plus tard, je suis devenu Représentant en Côte-d’Ivoire et Directeur régional pour l’Afrique de l’Ouest, à Abuja au Nigéria. Je représentais aussi l’Organisation auprès de la Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO).
Le Bureau international d’éducation (BIE), établi à Genève, est le Centre d’excellence de l’UNESCO en matière de curriculum. De quoi s’agit-il ?
Le curriculum peut être défini comme l’ensemble des éléments constitutifs des contenus et programmes de formation. Il doit toujours prendre en compte les méthodes pédagogiques et d’évaluation des acquis, ainsi que le matériel didactique pour les apprenants et les formateurs. Le curriculum est la cristallisation et la concrétisation de la vision politique educative d’un pays. Au regard de son importance, le curriculum a la même valeur, pour l’éducation, que la Constitution dans une démocratie.
Comment faire en sorte que le curriculum choisi soit adapté ?
La meilleure façon est qu’il soit adapté au contexte. Il doit être formulé selon une approche participative et, autant que possible, être soutenu par les cultures locales pour répondre aux besoins des apprenants. Le curriculum doit permettre de former des citoyens, d’abord ancrés dans leur culture, mais aptes à s’ouvrir sur le reste du monde. De ce point de vue, la contextualisation constitue un gros défi. À ce jour, on ne tient pas compte des avis et des aspirations des populations locales dans les processus d’élaboration des curricula. Nous devrions donc profiter des réformes curriculaires post-COVID, envisages par certains pays, pour proposer que cette insuffisance soit corrigée.
Concrètement, que faites-vous pour que les curricula évoluent ?
Les séminaires, les ateliers ou les conférences organisés ne suffisent pas. Ces réunions permettent davantage de partager de l’information et de sensibiliser plutôt que de former. Nous avons donc décidé de renforcer les capacités des structures nationales et régionales chargées des formations sur le curriculum. Dans chaque sous-région, nous envisageons des formations diplômantes du type Master en curriculum. Nous sommes en négociations très avancées avec des universités partenaires.
Allez-vous vous appuyer sur les structures existantes ?
Dans tous les pays il existe, au sein du Ministère de l’éducation, une division ou une section, responsable du curriculum national. L’idée est de travailler avec ces structures, de cerner leurs besoins en renforcement de capacités et de convenir d’un programme de formation qui pourrait durer plusieurs mois voire une ou deux années, en fonction des besoins.
Quel est l’objectif du BIE ? L’objectif général du BIE est de devenir un Institut de référence mondiale en matière de production et de partage de savoir, de renforcement des capacités, de dialogue et de coopération sur le curriculum. Notre vision holistique, intersectorielle est tournée vers l’avenir. Le 21ème siècle réclame une révision des programmes et des offres éducatives qui, à terme, permettra de faire correspondre les compétences des diplômés aux demandes de leur époque.