INSIDE VIEW

INSIDE VIEW

Poser ses limites pour vivre heureux au travail
Reconnaître et faire respecter ses limites permet d'éviter les conflits et l'épuisement professionnel
1 Oct 2022

Connaître ses limites, les exprimer et les faire respecter favorise l’instauration d’un cadre professionnel respectueux et harmonieux. En parler permet souvent de résoudre des situations source de mal être. Le bureau de l’Ombudsman peut vous aider à préparer ces conversations inconfortables mais nécessaires.

Récemment, un collègue et ami m’a confié qu’il était au bout du rouleau.

« Ma charge de travail est trop élevée et ma superviseure, que j’apprécie beaucoup par ailleurs, ne cesse de me confier des tâches plus lourdes les unes que les autres. Je suis au bord de l’épuisement physique et mental.

– En as-tu parlé à ta cheffe ?

– Je n’arrive pas à lui dire.

– Pourquoi ?

– J’ai peur de la décevoir et de la laisser tomber alors qu’elle m’a toujours soutenue par le passé et s’est montrée une cheffe exemplaire. Je ne sais pas comment aborder le sujet. Il est clair que si rien ne change, d’ici peu, je vais être en burnout, ce qui me contraindra à prendre un long congé maladie ».

J’essaie de lui faire entendre que la situation ne peut qu’empirer s’il ne fait rien. Et qu’il serait bienvenu d’entamer une conversation. « J’ai peur de lui en parler mais je peux peut-être essayer » me dit-il d’une voix tremblante.

Réfléchissant à cette situation, je me suis demandée pourquoi il est aussi difficile pour la plupart d’entre nous d’avoir des discussions sincères, de parler ouvertement de nos limites et d’exprimer nos besoins surtout lorsque notre bien-être est en péril.

Qu’en est-il de ces limites ? Pour la chercheuse en sciences sociales Brené Brown, les limites c’est tout simplement ce qui est acceptable pour nous et ce qui ne l’est pas. Ce sont des règles que l’on établit pour interagir sereinement avec notre entourage. Se faisant, on indique à l’autre comment on aimerait être traité. Selon la thérapeute, “experte en limites”, Nedra Glover Tawwab, « “La plupart des problèmes relationnels viennent d’un manque de limite et d’assurance (…) fixer des limites saines ne consiste pas seulement à dire non, mais à exprimer nos besoins” ». Ce qui nous permet de nous sentir en sécurité et de maintenir une bonne santé mentale et émotionnelle.

Dans le bureau de l’Ombudsman, en tant que médiateurs, nous avons souvent affaire à des collègues qui sont indignés par certains comportements et qui sentent que leurs limites sont outrepassées. Prennent-ils seulement le temps de les communiquer ? Pourquoi est-il si difficile de mettre ses limites ?

Il est vrai que parler de nos besoins et limites peut sembler terrifiant. Il faut se l’avouer : c’est risqué de paraître faible aux yeux de l’autre, d’être jugé ou pire encore, rejeté. La peur semble nous tétaniser dans ces situations. Mais la peur de quoi au juste et d’où prend-elle son origine ? Est-ce la peur de perdre son travail, son statut ou celle d’être jugé ? Ces peurs, petites et grandes, se logent souvent au plus profond de notre inconscient et nous en ignorons même leur existence.

Faisons un petit voyage dans le temps et revenons des milliers d’années en arrière à l’époque où nos ancêtres étaient constamment exposés à des menaces. Ils craignaient d’être tués ou blessés par des animaux sauvages ou par des tribus ennemies. Pour améliorer leurs chances de survie dans un environnement aussi hostile, ils avaient développé des comportements de lutte ou de fuite. Il s’agissait d’une réponse automatique à un danger imminent ou un stress qui leur permettait de réagir rapidement sans réfléchir. De nos jours, un stress peut prendre la forme d’un appel téléphonique, d’un courriel ou d’une discussion difficile. Et comme nous avons hérité du cerveau reptilien (dit instinctif) de nos ancêtres, dans une situation de stress ou de menace, réelle ou perçue, il est très difficile de réagir de manière consciente et réfléchie : la partie du cerveau responsable de rationaliser nos réactions se met en veille et le cerveau instinctif prend le dessus en déclenchant des réactions de fuite ou de lutte.

Un des moyens dont nous disposons pour contrer ces réactions instinctives est de cultiver un état de pleine conscience et de retourner tout simplement à notre souffle. La respiration profonde peut nous ramener dans le présent et dans un état plus conscient, ce qui mènerait à une action plus réfléchie. D’autres experts recommandent d’essayer de compter jusqu’à cent pour réactiver la partie frontale de notre cerveau, en charge du raisonnement.

Fixer ses limites et les communiquer peut paraître intimidant, difficile et inconfortable que ce soit dans la sphère privée ou professionnelle. Cela exige une prise de conscience de nos capacités émotionnelles, mentales et physiques et de pouvoir s’exprimer clairement. Vous pouvez vous imaginer les pires scénarios pour éviter ces discussions et rester dans l’appréhension de la réaction de l’autre. Mais croyez-moi : l’inconfort à court terme pour une relation saine à long terme en vaut la peine ! 

Chaque fois que vous identifiez une limite à fixer, rappelez-vous que le processus se déroule en trois étapes : la préparation, la communication et l’action.

Pour avoir ce genre de discussion avec vos collègues ou supérieurs hiérarchiques, la clé est de s’y préparer. Le bureau de l’Ombudsman peut vous offrir des outils pour réussir à exprimer sereinement vos besoins et mettre des limites saines sur votre lieu de travail.

En osant mettre en place et parler de nos limites dans notre environnement de travail, nous évitons les malentendus, les conflits mais surtout, l’épuisement professionnel. Ainsi, nous nous rendons service ainsi qu’à nos équipes et gestionnaires. La responsabilité de notre bien-être nous incombe et lorsque nous faisons le choix de parler de nos limites, nous choisissons de nous respecter et de nous aimer ! Rappelons-nous enfin que le fait de parler de nos limites est le début d’une conversation et non la fin d’un processus. En initiant ce genre de discussions, nous donnons ainsi aux autres le pouvoir de faire pareil et de mettre nos attentes au diapason.

* Saadia Benmakhlouf est responsable de la résolution des conflits au Bureau de l’Ombudsman et des services de médiation à Genève.
Read more articles about INSIDE VIEW
Whatsapp
Twitter
Instagram
LinkedIn
Share