LEISURE

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© DYLAN PERRENOUD

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Maison Rousseau de la littérature
Donner à voir la stupéfiante modernité de Rousseau et la vitalité de la littérature contemporaine : un pari réussi
1 Dec 2021

C’est un bijou niché au cœur de la vieille ville de Genève à ne pas manquer si vous êtes curieux, fan de littérature, de musique, de philosophie ou si vous voulez mieux connaître Jean Jacques Rousseau, l’enfant de Genève et star controversée du siècle des lumières.

C’est dans cette maison, entièrement rénovée, qu’est né le philosophe. Modernité, diversité, lisibilité sont les maîtres mots de l’exposition permanente qui lui est consacrée. Elle met judicieusement en valeur la pertinence de la pensée et des écrits du « citoyen de Genève » à travers un parcours articulé autour de plusieurs thématiques : bonheur, Genève, sentiment, liberté, enfance et nature. Cette balade, enrichie de photographies, d’illustrations et de musiques, permet de découvrir les multiples facettes de cet homme paradoxal, ardent défenseur de l’égalité et de la liberté.

Autre axe majeur de ce lieu bouillonnant d’activités et de projets : faire découvrir la littérature romande et sa vitalité qui, au-delà de la francophonie, interpelle le monde. Dans cet espace tout en transparence, sobre, élégant, vous pourrez rencontrer de nouveaux auteurs ou dialoguer avec des écrivains confirmés au fil de débats organisés sur des thèmes d’actualité tels la nature, la différence des genres ou encore les enjeux du multilinguisme et de la traduction.

Perpétuant la tradition d’accueil qui fait partie de l’ADN de Genève, la Maison Rousseau de la Littérature (MRL) a aménagé des résidences d’auteurs au 6ème étage afin d’accueillir des écrivains menacés dans leur pays. Une initiative qu’aurait certainement salué Rousseau dont les analyses sans concession des systèmes de pouvoir, des religions comme du statut des nantis lui ont valu d’être condamné à Genève et en France, banni de l’ile Saint-Pierre où il s’était réfugié, et dont les livres ont été brûlés ou interdits à certaines époques.

Autodidacte, philosophe, écrivain, théoricien politique, réformateur social, botaniste, pédagogue, musicien, fondateur de l’ethnologie et de l’anthropologie, précurseur de l’écologie comme des principes à l’œuvre dans la Déclaration des droits de l’homme, lanceur d’alertes, Jean Jacques Rousseau coche toutes les cases de la modernité.

« S’il peut nous sembler si proche, c’est peut-être parce qu’il a su établir un rapport très personnel avec les lecteurs, notamment en valorisant les émotions alors qu’il vivait dans un siècle centré sur la raison », estime Donatella Bernardi, directrice de la MRL. Tout en défendant le rationalisme, il considère que « le sentiment est un principe d’action, de connaissance et le fondement de l’expression. »

Auteur de renom déjà de son vivant, son roman « Julie et la Nouvelle Héloïse », a été l’un des plus gros succès littéraires du XVIIIe siècle, Rousseau innove en choisissant de se mettre à nu dans « Les Confessions ». Cette « écriture de soi » ouvre la voie aux récits autobiographiques si prisés aujourd’hui et qui ne devraient pas laisser indifférente une jeunesse qui n’en finit pas de se mettre en scène sur les réseaux sociaux.

Expo Rousseau

La fréquentation assidue de ces réseaux a des impacts ambivalents, voire destructeurs, sur les relations humaines et sur la pensée. Et c’est désormais faire œuvre de salubrité publique que de promouvoir une initiation au dialogue philosophique. « Parce qu’il n’y a pas d’âge pour réfléchir et interroger le monde, nous organisons des ateliers de réflexion pour les enfants et les adolescents avec l’association Prophilo, se réjouit Donatella Bernardi. A titre d’exemple, les théories pédagogiques de Rousseau, énoncées dans l’Emile, peuvent nourrir une réflexion sur le rapport à l’autorité et la place de l’enfant et amener des jeunes à mieux percevoir comment se forge une voix de citoyen à travers la construction d’un argumentaire. »

La philosophie est encore mise à l’honneur à travers l’organisation de concerts de musique baroque ponctués d’intermèdes discursifs, montrant les liens entre le sensible et l’intelligible. Enrichir, organiser sa pensée, clarifier son propos mais aussi développer son imagination, mettre des mots sur ses émotions et ses expériences permet de mieux se connaître. C’est ce que favorise « l’écriture créative très répandue dans le monde anglo-saxon et encore peu pratiquée en Suisse », constate Donatella Bernardi. D’où son projet d’organiser des cours d’été d’écriture créative dès le mois de juillet 2022. Une initiative qui devrait rencontrer un beau succès car si nous lisons moins nous sommes de plus en plus nombreux à prendre la plume ou à rêver de le faire.

* Muriel Scibilia est auteure et ancienne fonctionnaire de la Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement (CNUCED).
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