3 QUESTIONS

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La liberté d’expresion, un bien des plus précieux
Le Secrétaire général de “Reporters sans frontières”(RSF), Christophe Deloire, en appelle à l’ONU pour désigner un représentant spécial
1 May 2022

Le 3 mai est la Journée mondiale de la liberté de la presse. L’UNESCO et le gouvernement de l’Uruguay organisent une Conférence mondiale sur le thème “Le journalisme en état de siège numérique.”

Créée en 1985, RSF se bat pour défendre la liberté d’expression et protéger le travail des journalistes. Basée à Paris, cette organisation non gouvernementale internationale dispose de bureaux dans une dizaine de pays et d’un puissant réseau de de correspondants dans le monde. Chaque année, elle recense les violations des libertés d’expression et journalistiques.

Qu’attendez-vous d’instances tells que l’ONU en matière de sécurité des journalistes et de liberté de la presse?

Nous avons travaillé de manière structurelle sur le sujet en lançant en 2018 l’Initiative sur l’information et la démocratie, avec de nombreuses personnalités, parmi lesquelles Shirin Ebadi, Maria Ressa, Amartya Sen et Joseph Stiglitz. Le Partenariat sur l’information et la démocratie, lancé en marge de l’Assemblée générale en 2019 et signé désormais par 45 Etats, est une base de travail. Nous avons obtenu que des sommets annuels soient organisés, et nous sommes en train de créer l’Observatoire sur l’information et la démocratie. Bref, nous allons poursuivre ce processus qui est au chaos informationnel l’équivalent du processus international sur le réchauffement climatique. Nous sommes aujourd’hui à la disposition de l’ONU pour aider à la création d’un code mondial sur l’intégrité de l’information, tel que propose par le Secrétaire général António Guterres dans son Programme commun.

Face aux situations périlleuses de violence armée, dont le dernier en date en Ukraine, quels moyens pouvez-vous mettre en œuvre pour protéger les journalistes et les aider à faire leur travail; qui peut vous aider et comment?

Ces situations complexes impliquent d’activer tous les moyens de protection permettant aux journalistes de travailler dans la meilleure maîtrise possible des risques encourus. RSF contribute en première ligne au renforcement de leur sécurité en Ukraine : à travers le Centre pour la liberté de la presse que nous avons créé à Lviv, nous fournissons des équipements personnels de protection et des formations aux journalistes qui n’étaient pas préparés à couvrir cette guerre d’agression. Le ciblage intentionnel des journalistes par les forces russes est une des caractéristiques croissantes de la guerre menée par le Kremlin. Il s’agit de crimes de guerre qui doivent être qualifiés et poursuivis en tant que tels, ce pourquoi nous analysons tous les cas et en saisissons formellement le procureur de la Cour pénale internationale.

Mais le constat s’impose: la mise en œuvre de l’ensemble des résolutions adoptées par le Conseil de sécurité, l’Assemblée générale et le Conseil des droits de l’Homme, ainsi que du plan d’action sur la sécurité des journalistes et la question de l’impunité ne produit pas les effets escomptés. Pour RSF cela nécessite la mise en place d’un représentant spécial du Secrétaire général sur la protection des journalistes. Nous avons eu l’occasion d’en reparler avec lui lors de notre dernier entretien, début décembre 2021. Il est indispensable d’instaurer à ses côtés une voix forte capable en son nom d’instaurer une coopération renouvelée, permanente et au plus haut niveau avec les autorités de tous les Etats concernés pour contribuer concrètement, au cas par cas, à renforcer la protection des journalistes et réduire l’impunité des crimes à leur encontre, encore systématique.

Submergé par les nouvelles approximatives ou fausses, voire la communication qui remplace parfois l’information, le public ne fait plus confiance aux médias. Quels antidotes?

La question de la confiance est liée à la perte de repères. Le marché de l’information favorise aujourd’hui les contenus extrémistes et haineux et les rumeurs. Nous devons renverser cette logique. C’est le sens de la Journalism Trust Initiative (JTI) que nous avons lancée, avec un cadre de référence, sous forme d’une norme européenne, définie par des médias, des syndicats, des organisations diverses et des associations de consommateurs du monde entier. Nous avons déjà beaucoup avancé sur la construction d’un dispositif de verification de la conformité, notamment en utilisant le marché de la certification.

Cela nous permet de négocier des formes d’avantages pour les médias qui produisent du journalisme de qualité, pour l’indexation algorithmique, pour l’affectation des dépenses publicitaires, pour l’allocation des fonds publics et même pour l’aide au développement à destination des médias. La JTI, c’est une solution de marché adaptée à l’ère technologique, pour favoriser la fiabilité de l’information, et la soutenabilité du journalisme. Nous sommes à la disposition de toutes les parties prenantes pour la mettre en œuvre. A noter, en février dernier, la plateforme SWI swissinfo.ch a été certifiée pour son journalisme transparent et professionnel.

* Muriel Scibilia-Fabre est auteure et ancienne fonctionnaire de la Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement (CNUCED).
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