« (…) il n’y a plus de quartier, c’est une boucherie, un combat de bêtes féroces, furieuses et ivres de sang ; les blessés même se défendent jusqu’à la dernière extrémité, celui qui n’a plus d’armes saisit à la gorge son adversaire qu’il déchire avec les dents. »

On peut lire ces quelques lignes au début d’Un Souvenir de Solferino, un ouvrage qui changera le destin de Genève. Henry Dunant y raconte en détails, de façon quasi-journalistique, le déroulement d’une bataille qui mit aux prises, le 24 juin 1859, plusieurs centaines de milliers d’hommes. Il met l’accent sur le sort des blessés et fait, à la fin du livre, quelques propositions qui conduiront à la Croix-Rouge, puis à la première Convention de Genève.

60 ans après, un autre conflit armé, la Première Guerre mondiale, mènera à la Genève internationale d’aujourd’hui. La Société des Nations est fondée en 1919. Elle sera opérationnelle l’année suivante, faisant de Genève le premier cœur d’une coopération internationale permanente.

La guerre est donc à l’origine même de la Genève internationale. Il serait facile de l’oublier. Du haut de la colline de Pregny, le regard porte sur les scintillements du lac et les neiges du Mont-Blanc. Le chaos des armes est bien loin. En mars dernier, l’ambassadeur sortant du Royaume-Uni, Julian Braithwaite, ne disait pas autre chose sur Twitter : « Geneva is so lovely a place. It is in a way so far away from the troubles of the world, that you can feel a bit divorced from them. »

Pourtant, la Genève internationale devrait maintenir un lien aussi direct que possible avec les réalités du monde qu’elle sert. Les Etats présents à Genève ont un rôle de premier plan en la matière. Les ONG et les médias, auxquels le canton de Genève accorde d’ailleurs une attention particulière, apportent aussi des contributions précieuses. Mais il existe d’autres ressources, plus rares. Par exemple, quelques photographes, en faisant preuve d’un courage physique hors du commun de nos jours, mènent un travail de longue haleine dans les profondeurs des conflits.

Matthias Bruggmann est l’un d’eux. Il a pris cette image le 1er mai 2014 en Syrie. Trois enfants dans une plantation d’oliviers sont surpris par le bruit d’une bombe tombée quelques secondes plus tôt. Scène réelle de la vie quotidienne dans un pays en guerre.

La photographie, dans ce qu’elle a d’immédiat, peut solliciter davantage l’émotion que la raison. Elle n’en demeure pas moins un puissant outil de compréhension du monde. Le site geneve-int.ch, dans sa rubrique L’œil de la Genève internationale, fait ainsi appel à elle depuis plusieurs années.

Le cinéma, le documentaire, le récit, le témoignage, le théâtre ou les arts plastiques peuvent tous contribuer à rapprocher les organisations internationales de la substance de leur travail. La Broken Chair, qui fait face au Palais des Nations, en est une éloquente illustration. Les démarches de ce type ont donné naissance, avec le Souvenir de Dunant, à la Genève internationale. Aujourd’hui, elles peuvent l’aider à ne pas être que « so lovely a place ». Gageons que les espaces d’expositions genevois, actuels ou à venir, sauront le montrer.


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