Rien ne prédestinait Valérie Coutarel à embrasser la carrière d’interprète. D’origine franco-française, vivant en Province, jusqu’à 11 ans, elle n’est exposée à aucune langue étrangère. En outre, à cette époque, il n’y a pas d’Internet et la télévision française ne propose que trois chaînes.

Ce n’est qu’à 11 ans que Valérie suit son premier cours de langue. Coup de foudre immédiat. Naissance d’une vocation : elle sera interprète. Depuis avril 2022, elle dirige la section française d’interprétation au siège des Nations Unies à New York.

Ce parcours exemplaire, c’est à son obstination et à son goût du travail qu’elle le doit. “L’apprentissage des langues s’est fait à la sueur de mon front, se souvient-elle. J’ai notamment dû faire de nombreux séjours à l’étranger.”

Après une licence d’anglais obtenue en Alsace, elle intègre la Faculté de traduction et d’interprétation de Genève où elle décroche un diplôme de traductrice, puis d’interprète de conférences en cabine française en 1995, suivi du même diplôme en cabine anglaise en 1996.

La même année, elle commence à travailler comme interprète indépendante pour des organisations internationales à Genève. Elle passe d’une organisation à l’autre, enchaîne des contrats d’une semaine, voire d’un jour. Et ce n’est qu’en 2013 qu’elle décide de tenter le concours de recrutement d’interprètes de l’ONU.

Le concours en poche en 2013, elle est recrutée à New York en avril 2014.

Elle est d’emblée séduite par l’atmosphère si particulière qui règne au siège de l’ONU. Travailler pour le Secrétaire général, pour le Conseil de sécurité et pour tant d’autres réunions lui donne le sentiment d’être partie prenante des grands événements au cours desquels sont discutées les principales questions politiques qui agitent le monde. “Être interprète permanente à l’ONU m’a procuré un sentiment d’appartenance à cette institution qui œuvre pour de nobles causes. Cela peut sembler un poncif mais je crois profondément en la diplomatie, dans la valeur de la négociation, dans les relations humaines et dans le multilinguisme.”

Bien qu’ayant passé plus d’un quart de siècle en cabine, c’est toujours avec le même plaisir et le même enthousiasme qu’elle allume le micro “j’adore jongler avec les mots, les pensées, les sujets les plus variés”, confie-t-elle. Elle aime tout autant partir en mission pour couvrir des réunions comme celles du Conseil de sécurité, de l’Assemblée générale, des grandes commissions ou des réunions extraordinaires.

Grâce à ce travail, elle a acquis de vastes connaissances sur un grand nombre de sujets. Mais ce n’est pas tout. Avoir décroché un poste stable lui a permis de tisser des liens durables avec ses collègues à tous les niveaux; sa bienveillance et sa sociabilité lui facilitant beaucoup la tâche. Convaincue que les relations humaines sont un des rouages indispensables au bon fonctionnement d’une organisation aussi vaste et complexe que l’ONU, elle veille à créer une ambiance positive. Ne serait-ce que parce qu’elle est convaincue que “pour fournir un travail de qualité en cabine, il est certes essentiel de bien se préparer de manière à maîtriser les sujets qui vont être traités, mais cela ne suffit pas. Plus on connaît les personnes avec qui on travaille, mieux la communication passe. C’est encore plus important à l’heure où les conditions de travail ont changé et que la rapidité avec laquelle les discours sont délivrés est toujours plus vertigineuse.”

Langue de travail du secrétariat de l’ONU, le français conserve une place prépondérante. A son échelle, Valérie s’efforce de contribuer à la promotion de la langue de Molière en veillant à ce que l’interprétation se fasse à un niveau de langue élevé. Une urgence à l’heure où sur les réseaux sociaux et dans certains médias, la tendance est de plus en plus au relâchement, voire à une certaine médiocrité linguistique. Or “une pensée qui se conçoit et s’articule clairement a plus de poids, assure-t-elle, a fortiori lorsque l’on a la responsabilité de transmettre un message d’une langue à une autre au nom d’une tierce personne.”

Depuis qu’elle dirige la section française d’interprétation, il lui revient d’assumer de nouvelles tâches : évaluation des membres de l’équipe, encadrement, recrutement des collègues, organisation des concours, gestion de la formation continue, formation aux nouvelles technologies. Cette fonction est autant une source de fierté qu’une grande responsabilité vis-à-vis des clients de l’organisation comme de son équipe. Elle met un point d’honneur à faire en sorte que chacun.e se sente le mieux possible et soit en mesure d’offrir un service de qualité; et d’ainsi contribuer à l’entente entre les peuples dans tous les sens du terme.

A travers cet article, Valérie souhaite encourager des jeunes à opter pour ce métier passionnant. “Il ne faut pas écouter ceux qui tentent de vous dissuader, affirme-t-elle. N’écoutez que votre cœur et lancez-vous. Rien ne me destinait à m’engager dans cette profession. On a même essayé de me convaincre de faire d’autres choix. Et pourtant… L’ONU a besoin de nouveaux collègues passionnés, parce que c’est un métier de passion, exigeant, mais qui procure énormément de satisfaction.” Et c’est avec bonheur qu’elle va prendre part à la formation de la nouvelle génération d’interprètes de l’ONU. 


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