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Au coin du bureau, l’aventure
5 Jul 2020

Je vais vous raconter comment, dans l’urgence et en un temps record, j’ai pu mettre en place un système informatique qui a permis au Service médical de l’ONU Genève de gérer les collègues confrontés au COVID-19.

Début mars 2020, partie de Chine, l’épidémie de COVID-19 galope à travers la planète d’est en ouest et se rapproche de notre Genève internationale. Au sein du service informatique du palais comme avec d’autres collègues, on en discute beaucoup. Les questions sont multiples : « Allons-nous être confinés ?  Faudra-t-il télétravailler ?  Les systèmes informatiques vont-ils tenir le coup ?  Quid des réunions, des conférences ? »

Chez certains, ces questions, cette incertitude suscitent une inquiétude légitime. Pour d’autres, elles constituent autant de défis à relever. Malgré la gravité de l’épidémie, je me sens prêt et volontaire à affronter les défis techniques qui pourraient émerger.  Ils se présentent rapidement.

Figure 1 – Tableau de bord – géolocalisation. SORMAS – Service Médical ONU Genève

Les prémices du projet et sa définition

Le 5 mars 2020, premier contact avec « le virus ». Le service médical organise des sessions d’information sur le COVID-19. Il décide ensuite de lancer un sondage « de satisfaction ». Martine, qui travaille dans ce service, me demande de gérer ce sondage au plan informatique. 

Quelques jours plus tard, le Docteur Sekander Rao m’avise qu’il réfléchit à l’utilisation d’une application qui permette de suivre les patients atteints de COVID-19 et chaque maillon de la chaîne de transmission (« contact tracing »).

Ce logiciel devra permettre de suivre les patients ayant contracté le Covid 19, de garder le contact et de suivre l’évolution de leur état de santé afin de pouvoir prendre des mesures concrètes :  téléconsultations, hospitalisation ou rapatriement. L’application devra aussi permettre de dégager rapidement une synthèse des cas suspects, des cas confirmés et de leurs contacts, si possible sous forme de graphiques. L’opération risque d’être plus compliquée que prévu.

Autour du 20 mars, en pleine pandémie, le Dr Rao élabore un plan de développement : nous allons utiliser des bases de données mysql et programmer en php (un langage informatique). Parfait. De mon côté, je programme un système de double authentification pour sécuriser l’ensemble.

La réflexion et le défi de l’agilité

Cependant, avant de me lancer dans un développement long et complexe, je vérifie si quelque chose d’analogue existe en Open-source. Je découvre SORMAS [Surveillance Outbreak Response Management & Analysis System, https://sormasorg.helmholtz-hzi.de/index.html]. Créée en 2014, cette application a été développée par une équipe Germano-Nigérienne pour contrôler l’épidémie Ebola en Afrique de l’Ouest, notamment au Niger [https://fr.wikipedia.org/wiki/Open_source].

Figure 2 – Tableau de bord – courbe épidémiologique. SORMAS – Service Médical ONU Genève

Elle est régulièrement mise à jour. SORMAS offre des outils de surveillance permettant de détecter des chaînes infectieuses et assure une analyse continue de l’évolution de la maladie. Bingo, le 31 mars 2020, nous avons trouvé l’application qu’il nous faut !

S’il est génial d’avoir identifié l’outil adéquat, il me reste un gros morceau : la validation et la mise en production. Or à l’ONUG, il n’est pas toujours aisé de mettre un service rapidement en place, mais l’urgence de la situation joue en ma faveur.

A mes yeux, ce projet est crucial. Vital. Je travaille d’arrache-pied, week-ends et jours fériés. Il faut que ce projet « passe en production ». L’urgence est là, et je veux fournir à mes collègues du service médical un outil fonctionnel qui leur permettra, à leur tour, de nous apporter une aide médicale si nécessaire.

A peine trois jours après l’identification de l’outil, j’informe le Dr Rao que le serveur SORMAS est fonctionnel pour ce qui est de la phase de test. Entre temps, des serveurs ont été créés, des réseaux configurés, des sauvegardes installées et bien d’autres choses encore.

Une semaine plus tard, SORMAS est en ligne. L’infrastructure est prête, le Docteur Rao et son équipe d’infirmiers ont déjà réalisé une série de tests. L’outil fonctionne.

Figure 3 – Listing des contacts. SORMAS – Service Médical ONU Genève

L’utilisation, les fonctions, que nous apporte SORMAS

Pour le Docteur Rao, SORMAS » est le parfait outil de « contact tracing », d’analyse et de surveillance des épidémies. Il permet de facilement répertorier et cartographier (figure 1) les cas suspects, les cas probables, les cas confirmés, les contacts actifs ainsi que les contacts convertis en cas confirmés (figure 3). Par ailleurs, les symptômes des patients, les données épidémiologiques, les traitements et l’évolution clinique sont relevés de façon simple mais détaillée afin d’être analysés ultérieurement. Le tableau de bord permet de voir ce qu’il en est en temps réel ; un avantage indéniable en matière de surveillance d’une épidémie/pandémie (figure 2). 

Il est possible que d’autres organisations aient leurs propres outils de contact tracing, mais nous manquons d’informations. Seul le PNUD Singapour mentionne l’utilisation de SORMAS en matière de suivi de l’évolution de la pandémie COVID-19 [https://sgtechcentre.undp.org/content/sgtechcentre/en/home/digital-tools-for-covid-19/digital-tools-for-covid-19-prevention-and-containment-category/sormas.html].

Premiers en Suisse romande !

Le médecin en charge de la gestion du Covid19 au sein du canton de Genève nous informe qu’en Suisse romande le Service médical de l’ONU Genève est le premier à utiliser SORMAS. Onze cantons en Suisse Alémanique l’ont déjà adopté. 

Il a été très important pour moi de travailler sur ce projet, à cause de son caractère urgent et parce qu’il portait sur le bien-être de tous les collègues. J’ai apprécié les compétences et la souplesse dont ont fait preuve les personnes impliquées, notamment les collègues du service médical, ainsi que l’enthousiasme débordant du Dr Sekander Rao.  Quand ce médecin a dit que j’avais su trouver et mettre en œuvre le bon outil en un temps record au cours de cette crise sanitaire inédite, cela m’a fait chaud au cœur. Outre de préciser que c’était ma manière de contribuer au #NewWork, il a souligné qu’il pourrait être essentiel de disposer d’un support informatique adapté aux besoins au cas où nous serions confrontés à d’autres crises sanitaires.

Pour information : Toutes les données sur les serveurs de l’ONUG relèvent du secret médical. Les informations sont anonymisées, seuls les membres du service médical y ont accès.

* Guillaume Marneffe travaille au Service des technologies de l'information et des communications (STIC) de la Division de l'administration de l’ONUG. Dr Sekander Rao est responsable d’opérations au service médical et coordonnateur médical COVID-19 à l’ONUG.
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