Mardi 24 septembre 2024, 9h25, salle de l’Assemblée générale. « Annie, tu notes la répartition ? ». « Oui, qui est de chapô aujourd’hui ? ». Cette rengaine, presque cryptique, constitue le quotidien des attachés de presse des deux équipes, l’une anglophone, l’autre francophone, chargées de couvrir les débats officiels des Nations Unies à New York.

Il y a deux ans, j’ai été sélectionnée pour renforcer l’équipe de la Section française des communiqués de presse. Avec ma formation académique et mon expérience professionnelle alliant relations internationales et communication institutionnelle, ce poste représentait une occasion unique de contribuer à la dissémination des avancées onusiennes, en combinant mes deux domaines de prédilection.

Jeune scientifique en quête de nouveaux frissons, c’était un monde insoupçonné qui s’ouvrait à moi. À peine un mois après mon arrivée, le Hamas lançait l’attaque contre Israël aux terribles répercussions encore bien présentes, intensifiant ainsi drastiquement l’agenda onusien. Malgré le rythme de travail effréné et la pression quotidienne, l’aventure en valait largement la peine.

Car travailler dans la Section des communiqués de presse, c’est avant tout vivre la diplomatie multilatérale à sa source. C’est s’imprégner des grandes thématiques qui animent l’actualité internationale. C’est contribuer à la diffusion de l’information pour tous. C’est jongler avec une pluralité de sujets sensibles. C’est développer sa compréhension de la paix et de la sécurité mondiales. Confidence pour confidence, c’est surtout une aventure humaine où le travail en équipe, le professionnalisme et la communication constituent des valeurs de base.

L’importance de chaque maillon

Une semaine avant que les couloirs du siège new-yorkais ne deviennent le théâtre de débats multilatéraux de haut niveau, tout le personnel de la Section s’active en coulisses afin de planifier la répartition des équipes entre les séances plénières de l’Assemblée générale, les réunions du Conseil de sécurité et les travaux au sein des six Commissions. Pour ma part, j’ai été affectée prioritairement à la Sixième Commission, chargée des questions juridiques, même si la flexibilité reste de mise pour assurer une couverture optimale.

Concrètement, un communiqué-type consiste en un résumé analytique de la réunion sous un angle soigneusement choisi par l’attaché de presse chargé de sa rédaction. Cependant, la production d’un communiqué relève surtout du travail d’équipe puisqu’elle suit une chaîne éditoriale bien rodée. En début de chaîne, les attachés de presse rédigent les communiqués avant de les transmettre aux éditeurs qui y apportent les corrections nécessaires, sur le fond comme sur la forme. Derniers maillons de la chaîne mais non des moindres, les relecteurs s’assurent que les textes soient exempts d’erreurs avant leur mise en ligne sur le site de l’ONU.

Une communication fluide entre les différents maillons de la chaîne éditoriale est primordiale pour une couverture rapide et efficace. Il convient de signaler clairement la fin de la rédaction ou de l’édition afin d’éviter tout ralentissement du processus. Précision et rigueur sont également de mise. La communication institutionnelle ne peut tolérer ni approximation ni formulation ambiguë qui altérerait le sens initial des propos. C’est ici que le rôle des éditeurs est crucial. Forts d’une fine connaissance des débats onusiens, ils assurent l’exactitude et la cohérence du contenu. Une fois son communiqué rédigé, l’attaché de presse reste disponible pour répondre aux éventuelles questions des éditeurs et des relecteurs, garantissant ainsi la qualité finale du texte mis en ligne.

Une fonction plurielle

Le travail d’attaché de presse requiert une concentration maximale et une agilité intellectuelle pour mener plusieurs actions de front. Il écoute, sélectionne les informations clés et rédige un premier jet structuré. Couvrir une réunion onusienne exige donc un sens aigu du jugement afin d’extraire l’essentiel de l’information en lien avec la thématique du jour et de mettre en avant les priorités, tout en veillant à la neutralité du propos et à un équilibre géographique dans la représentation des délégations mentionnées.

Ainsi, la fonction exige de jongler avec plusieurs tâches à la fois, une compréhension rapide des enjeux et une maîtrise des différents sujets afin d’enchâsser les informations de manière cohérente au fil des sessions. C’est cette richesse thématique et cette stimulation intellectuelle permanente qui n’ont de cesse de m’enthousiasmer.

Une couverture efficace ne se limite toutefois pas à la rédaction des communiqués en quasi-simultané des réunions. Elle débute en amont, par la familiarisation avec la thématique et les documents mis à disposition dans le Journal officiel, et se prolonge au-delà des débats, grâce aux échanges avec les diplomates. Les échanges en salle et lors des réceptions à l’ONU ou dans les missions permanentes m’ont permis de sensibiliser les diplomates au travail de notre Section.

L’information au service de la démocratie et du développement

Je vais vous faire une autre confidence : je suis, depuis très longtemps, convaincue que l’information et l’éducation forment un terreau propice au développement et à une gouvernance de meilleure qualité. 

En d’autres mots, le savoir, c’est le pouvoir – une conviction que j’avais déjà pu vérifier dans mes fonctions académiques et que mon expérience à l’ONU n’a fait que renforcer.

Le suivi des réunions depuis la salle, au contact avec les délégations, m’a sensibilisée à l’importance d’une couverture de presse pour les réunions officielles. Certes, la WebTV permet une diffusion en direct, mais nombre de délégations, notamment celles ayant peu de personnel, n’ont ni le temps de visionner tous les débats, ni de lire les verbatims in extenso. Ainsi, de nombreux délégués m’ont confié s’appuyer quotidiennement sur les communiqués, appréciés pour leur clarté et leur concision.

Une diplomate m’a un jour confié que les communiqués l’aidaient à mieux cerner les clivages entre les États Membres. Lors d’une réception à l’ONU, un délégué avait souligné que les diplomates en poste à New York disposent rarement d’un vrai temps de passation avec leurs prédécesseurs. À la fin d’une session du Conseil de sécurité, un représentant permanent m’avait confié son décryptage presque compulsif de l’actualité, convaincu qu’être informé est la clé de voûte de négociations efficaces. Quant au personnel onusien, où qu’il soit affecté, et aux journalistes rapportant aux agences de presse, les communiqués offrent un accès rapide à une thématique, en temps réel ou différé.

La diplomatie, c’est le pouvoir du dialogue. Et aucun dialogue ne peut s’épanouir sans un socle solide d’informations fiables et opportunes. Sans information, la diplomatie devient aveugle. Sans la communication, elle perd sa force motrice. Les communiqués de presse sont un des véritables relais de l’action diplomatique, au service de la transparence et de la compréhension. Ainsi, le multilatéralisme, tellement menacé à l’heure actuelle bien que déployé quotidiennement au sein des chambres onusiennes, n’y reste pas confiné. Au contraire, il est couché sur papier et prend son envol vers l’espace public afin de renforcer les objectifs de paix et de développement.

Si de sérieuses menaces financières planent sur les Nations Unies, réaliser que j’ai pu contribuer, comme tant d’autres, à la diffusion des efforts diplomatiques pour un monde meilleur me remplit d’espoir et de gratitude. 

Et je n’aurai de cesse de continuer à croire qu’information rime avec transformation. Car informer, c’est éclairer les choix, nourrir les débats et renforcer la participation de toutes et tous aux décisions qui façonnent notre avenir commun. 

Tant que des femmes et des hommes croiront en cette mission, je resterai convaincue que, même dans les heures les plus incertaines, une plume bien tenue peut encore tracer le chemin du progrès.


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