Pour le Président de la Fédération des entreprises de Suisse romande, Ivan Slatkine, le pragmatisme du gouvernement a amorti l’impact de la Covid19 sur l’économie mais le modèle d’affaires genevois doit évoluer, et il faut éviter les mesures extrêmes prises par les pays voisins pour sauver l’emploi du choc d’une deuxième vague.
La Suisse romande s’en sort-elle mieux que les autres régions ?
La crise a le même impact sur l’ensemble du territoire, sauf dans certains secteurs comme le tourisme. Les grandes agglomérations comme Genève et Zurich, qui ont davantage tablé sur le tourisme d’affaires, sont plus touchées que les stations de montagne qui ont été très fréquentées cet été.
Quels sont les secteurs les plus fragilisés et ceux qui bénéficient de la crise ?
L’aviation et le transport de personnes traversent une crise sans précédent. Des infrastructures comme l’aéroport de Genève, le centre de congrès ou Palexpo rencontrent de grosses difficultés. De nombreuses entreprises dans les domaines du tourisme, l’hôtellerie, l’événementiel et du petit commerce ont beaucoup souffert. Un deuxième confinement serait un coup de massue, surtout à la veille de noël. La finance ou le trading ont surmonté la 1ère vague. Le domaine de la santé n’est pas trop touché. Tout ce qui concerne la parfumerie, les arômes, s’en sort bien, notamment grâce à une forte augmentation de la demande domestique.
Le plus dur à gérer pour les entreprises, c’est l’incertitude.
La Suisse a pris des mesures moins drastiques que d’autres pays.
Le gouvernement a choisi de ne pas mettre l’économie sous cloche. Il a pris des décisions pondérées et pragmatiques, et mis en place un socle commun pour l’ensemble des Cantons qui peuvent aller plus loin s’ils l’estiment nécessaire. Il faut éviter à tout prix un nouveau confinement généralisé. Beaucoup d’entreprises ne s’en relèveraient pas. À terme, le désastre économique et social risque d’être plus important que le désastre sanitaire. J’espère que cette stratégie, risquée, sera payante. J’espère aussi qu’on trouvera rapidement des traitements efficaces. Le plus dur à gérer pour les entreprises, c’est l’incertitude. Chaque semaine on annonce de nouvelles mesures. Difficile de s’adapter dans ces conditions avec une visibilité limitée à quelques jours.
La Suisse ne peut se passer ni d’importer ni d’exporter, que craignez-vous le plus de la situation internationale ?
Nous allons nécessairement pâtir du ralentissement économique mondial. Pour le moment, la logistique fonctionne, même si certains secteurs dont l’horlogerie sont très impactés par le ralentissement de la demande mondiale.
Craignez-vous un raffermissement du franc ?
Au plan monétaire, nous avons plus de marge de manœuvre que d’autres pays, notamment en matière d’endettement. La banque nationale suisse est très active. Elle maintient un taux de change relativement stable par rapport à l’euro afin d’éviter un décrochage du franc. Mais si la Suisse reste ouverte alors que les pays alentours sont paralysés, cela pourrait entraîner un renchérissement du franc. Ma crainte, c’est qu’en s’endettant trop on provoque une perte de confiance dans la monnaie qui induise une crise financière majeure avec une inflation galopante à terme ; et qu’on fasse peser un poids excessif sur les générations futures.
Quelles ont été les conséquences de la fermeture du Palais des Nations et autres institutions onusiennes sur les entreprises genevoises
L’annulation des conférences a fortement pénalisé les voyages et l’hôtellerie. Pour le reste nous n’avons pas de données spécifiques. En général, le confinement a fortement affecté les entreprises commerciales. A partir de mai la situation est presque redevenue normale.
Il est peu probable que Genève perde son importance au niveau des relations multilatérales.
Cette crise risque-t-elle d’affaiblir la Genève internationale ?
Il est peu probable que Genève perde son importance au niveau des relations multilatérales. Il y a certes un coup d’arrêt mais pas de remise en cause de la Genève internationale. Elle devrait sortir renforcée d’une crise qui démontre combien nous avons besoin d’échanges internationaux.
Mi-octobre, le Secrétariat d’Etat à l’économie a estimé que le chômage atteindrait 3,2% à la fin de l’année.
Le dispositif de réduction des horaires de travail, qui coute environ 15 milliards à la Confédération, a permis de garder un taux de chômage bas. Il ne peut être maintenu indéfiniment. Une fois levé, le chômage augmentera, en particulier à Genève. Les entreprises devront licencier.
A-t-on observé des changements structurels sur le marché de l’emploi ?
Les entreprises ont dû rationaliser leurs méthodes de travail. Le basculement vers le télétravail pose des questions. D’autant qu’il n’y a pas de législation en la matière. Les comportements ont aussi changé. Réaliser qu’on peut travailler sans se déplacer change la donne. On va par exemple devoir « vendre » Genève autrement, en misant sur un tourisme de loisirs plutôt qu’un tourisme d’affaires. Je ne crois pas au tout télétravail. Tout ne peut se faire à distance. Les relations humaines restent fondamentales pour travailler, négocier ou signer des contrats.