L’ ONU est un miroir grossissant de l’opinion internationale. S’y reflètent, jusqu’à l’excès, les espoirs et les angoisses des États et des peuples. » Cette citation datée de 1994 de Boutros Boutros-Ghali est aujourd’hui d’une grande justesse. Force est de constater que depuis le Covid-19 l’instabilité de l’Occident n’a jamais été aussi évidente. Dès lors, chaque année, au sein de nos organisations internationales, nous vivons des crises financières de plus ou moins grande ampleur. L’explication réside certainement dans la conjonction de trois facteurs majeurs : le premier est le déclin économique, politique, culturel et spirituel de l’Occident; le second la montée en puissance du « Sud global »; le troisième la raréfaction des ressources énergétiques et autres terres rares. Ce troisième facteur est à l’origine de la quasi-totalité des conflits armés actuels et à venir. Alors face aux évidences environnementales et géopolitiques, des faiseurs de paix doivent naître et faire entendre leur voix dans les chancelleries, les assemblées et les parlements. Mais qui osera porter cette parole ?
À l’heure des flux continus d’informations et d’images, plus que jamais, notre monde a besoin de dialogues ouverts et sincères, de vraies rencontres, de relations humaines, de diplomatie, de consensus, de pleine conscience, mais plus que tout de vérité. Oui, de vérité. Les peuples ont soif de vérité, car les mensonges individuels, virtuels, institutionnels, médiatiques… érodent la confiance et le respect, et donc meurtrissent les cœurs, les âmes et les esprits. Ils génèrent incompréhensions, divisions, frustrations, colères. L’un rabaisse, diminue et blesse ; l’autre éveille, grandit et apaise. Même si des vérités dérangent et des mensonges rassurent, « Ceux qui ne peuvent se souvenir du passé sont condamnés à le répéter et à commettre les mêmes erreurs. », nous dit le philosophe George Santayana.
Heureusement, sur l’ensemble du globe, à travers des démarches individuelles et des initiatives solidaires et citoyennes, des femmes et des hommes, créent, informent, soignent, innovent, luttent, inventent, proposent, protègent… Car nous le savons — oui, nous le savons ! —, les ressources énergétiques terrestres s’amenuisent de jour en jour pour satisfaire les besoins exponentiels de la consommation et de la croissance mondiale. Même si une multitude de solutions, de projets et d’approches existent, le vieux monde et ses puissants lobbies restent figés sur ces paradigmes. Hélas, l’individu n’agit que sous la contrainte extérieure et une nécessité intérieure, et les États font de même.
Dans ce contexte, aujourd’hui, pour lutter pour sa survie, l’Europe, ce vieux continent, avec la volonté de pays européens, opte pour la guerre et le réarmement. Partout, les forces de destruction, de division, de concurrence, de rivalité entre États et entre superpuissances sont à l’œuvre. En 2001, devant l’Assemblée générale de l’ONU, Kofi Annan dans son allocution énonce : « Rejetons la voie de la violence, qui est le produit du nihilisme et du désespoir. » En effet, la violence n’apporte que souffrance, chaos et désolation. L’Europe, elle, malgré son histoire, cultive l’ambiguïté sur son propre avenir. Son projet fédérateur : la guerre. Elle souhaiterait dépenser 800 milliards d’euros dans la course aux armements. 800 milliards. De toute part, les aides et les budgets militaires explosent, des centaines de milliards de dollars se déversent dans cette industrie.
En parallèle, dans tous les pays européens, la paupérisation des classes moyennes s’aggrave. Dire que cette manne financière investie aurait pu et pourrait servir les liens de la paix, nourrir des projets sociaux et culturels, favoriser et développer des progrès économiques durables, enrichir des coopérations techniques et des échanges d’idées, développer l’éducation, apporter une bouée financière aux foyers européens ou aux secteurs d’activité en péril, nourrir une autre vision du monde et des relations internationales créatrices de richesses et de paix.
Mais fédérer un monde en paix, c’est d’abord cultiver la paix en soi, au sein de son foyer, de sa famille, dans son école, dans sa société, derrière ses écrans… Indéniablement, nous avançons tels des somnambules et nous nous étonnons des chocs sociétaux et civilisationnels qui nous heurtent de plus en plus directement. Si nous ne changeons pas de cap, notre civilisation court à sa propre perte. Car nous générons nos propres frictions et tensions en nous, à travers nos frustrations, nos paradoxes, nos contradictions, notre anxiété, notre colère, notre ennui ainsi que notre surconsommation, qui se répercutent invariablement autour de nous et sur l’ensemble de la planète. Sergio Vieira de Mello a écrit : « Je crois, me fondant sur mon expérience, que le respect des droits humains est la seule base solide pour que la paix soit durable et pour permettre le développement. » À force de refuser la réalité et de rejeter la vérité, celles des droits humains, nous sombrons inexorablement vers des jours funestes.