En septembre 2001, la communauté internationale adoptait la Déclaration et le Plan d’action de Durban, un plan de bataille mondial contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance. Vingt ans après Durban, force est de constater que la situation de nombreuses minorités ne s’est pas améliorée dans le monde, et c’est un euphémisme lorsque l’on évoque le sort tragique des Yézidis en Irak et des Rohingyas au Myanmar. Les invités d’ONU Info Genève de ce mois luttent au quotidien pour défendre les victimes et faire entendre leur voix, qu’il s’agisse de Christine Schraener Burgener au Myanmar, de Doudou Diène au Burundi ou d’Eric Tistounet dans le cadre du Conseil des droits de l’homme. De son côté, Marc Ismail, créateur d’une maison de disques indépendante, attire notre attention sur le lien qui unit la discrimination et l’esclavage.
Les Rohingyas, une minorité musulmane, sont persécutés depuis de nombreuses années. Des centaines de milliers de personnes ont fui au Bangladesh voisin une répression féroce menée par les autorités du Myanmar. L’Envoyée spéciale du Secrétaire général des Nations Unies pour le Myanmar, Christine Schraener Burgener, suit ce dossier depuis trois ans. A quelques jours de la fin de son mandat, la diplomate suisse se montre très pessimiste au micro d’ONU Info Genève. Après le coup d’État militaire de février dernier, alors qu’on observait de timides améliorations sur le terrain, notamment dans le domaine de la cohésion sociale, la situation des réfugiés Rohingyas a encore empiré, et il leur est impossible de retourner dans leurs foyers. Une situation que déplore Schraener Burgener : « Pourquoi retourner dans un pays où les militaires qui ont commis les crimes très cruels sont aujourd’hui au pouvoir ? ».
Les processus de domination et la discrimination raciale, Doudou Diène les a étudiés dans les moindres détails. Ancien rapporteur spécial de l’ONU sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l’intolérance qui lui est associée, il a sillonné le monde inlassablement pour dénoncer ces constructions de la mémoire collective. Actuellement Président de la Commission d’enquête sur le Burundi, il attire l’attention de la communauté internationale sur le caractère historique des violations des droits de l’homme dans ce pays. Pour lui, cette crise remonte à la colonisation, pendant laquelle les colons ont ethnicisé le Burundi en antagonisant les différentes communautés. « Par la suite, cette ethnicisation a été instrumentalisée par les politiques pour préserver leur pouvoir et porter l’ethnicisation à son degré ultime, qui a abouti à des massacres au Burundi et au génocide au Rwanda ».
Eric Tistounet, Chef du Service du Conseil des droits de l’homme du Haut-Commissariat aux droits de l’homme, nous explique que le rôle de la Commission d’enquête sur le Burundi et des autres mécanismes d’enquête qui prolifèrent depuis 5 à 10 ans est d’« obtenir des observations du terrain et de les faire remonter à Genève pour en discuter au niveau du Conseil des droits de l’homme ». Ces mécanismes, composés d’experts indépendants, sont très importants pour donner une vision du terrain, et surtout pour faire entendre l’histoire des victimes, notamment celles des minorités persécutées. Sans ce travail minutieux, les victimes resteraient silencieuses et invisibles et leurs bourreaux resteraient impunis.
Enfin, Marc Ismail, créateur du label indépendant Soul of Anbessa nous rappelle que l’art en général et la musique en particulier peuvent être aussi une formidable caisse de résonnance pour faire entendre la voix des sans-voix. La conférence organisée en septembre dernier par le Service de l’information des Nations Unies au Musée d’ethnographie de Genève, « Le Reggae, un instrument de la mémoire collective de l’esclavage », avait pour ambition de montrer comment la culture peut s’emparer de l’histoire pour dénoncer les inégalités, le racisme et l’esclavage moderne. Pendant la préparation de l’émission consacrée à cette manifestation, Marc Ismail a souligné que pour de nombreux artistes reggae, bien que « les chaines ne soient plus là et que le fouet ne claque plus », l’oppression est « toujours une réalité pour des dizaines de millions de personnes dans le monde ». Il a proposé de diffuser le titre Still in Slavery, « un texte typique de la vision rasta, qui dit que l’esclavage n’a jamais pris fin, mais qu’il a simplement changé de nature ». Notre interlocuteur, pour qui l’esclavage moderne est le fruit pourri des discriminations passées et actuelles, de l’ethnicisation, et du racisme endémique, voit dans Still in Salvery un appel à la conscience adressé à chacune et chacun d’entre nous. w
Les invités d’ONU Info Genève:
• Christine Schraner Burgener, Envoyée spéciale du Secrétaire général des Nations Unies pour le Myanmar
• Doudou Diène, Président de la Commission d’enquête sur le Burundi
• Eric Tistounet, Chef de la branche du Conseil des droits de l’homme du Haut-Commissariat aux droits de l’homme
• Marc Ismail, historien, enseignant et créateur du label indépendant Soul of Anbessa
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